Simone rêvait d'une retraite « au paradis ». Mais en kidnappant son mari, la terrible maladie d'Alzheimer lui a donné un temps complet en enfer. Quinze ans déjà.
Simone se néglige. Elle doit refaire ses lunettes, son dentier mais elle n'a pas « dix minutes de répit ». Quinze ans que cette coiffeuse à la retraite ne se pomponne plus. Quinze ans qu'elle veille, surveille, maintient à domicile, Paul. Son tendre et cher époux alterne les rires, les sanglots, les syllabes, les absences, les colères après elle, après lui : « Ma tête fiche le camp ! Je cherche, cherche, cherche ce que je veux dire ! Bon sang, ça ne vient pas ».
Sorti de la maison, Paul ne reconnaît plus Simone, la femme de sa vie. « Je le croise au parc. Il me dit : "Bonjour Madame ! Ne vous inquiétez pas ! Chipie, ma chienne, est très gentille !" ». Paul a Alzheimer. La maladie neurodégénérative qui terrifie le monde, impossible à chiffrer. Simone la prononce depuis 2002.
L'ultime escale
« Avant », de 1993 à 2001, elle disait « comme les docteurs, sénilité précoce ». Trous de mémoire, envie de rien, juste dormir... Simone voyait là « un processus naturel de vieillissement ». Mais c'est bien Alzheimer qui a « volé » son mari, lentement, inexorablement. Le voilà « dans une bulle ». Un coup de poignard juste après sa retraite de préparateur en pharmacie, sa migration de Paris au « paradis », Beaulieu-sur-Dordogne en Corrèze. (...)
Ces cinq derniers mois, elle a perdu quinze kilos. Sans le vouloir. « C'est le souci ». Simone cogite. Elle a pris une lourde décision, lancé le dossier : « Je vais placer Paul ». « Normalement », en septembre prochain, il aura l'un des 36 lits réservés Alzheimer à l'EHPAD de Chanoux à Rivet. L'institution. L'ultime escale. (...)
Simone prendra un studio, refera ses lunettes, son dentier mais culpabilise : « J'ai l'impression qu'il sent. Je ne veux pas qu'il croit que je l'abandonne. Il me prend déjà pour un gendarme qui complote dans son dos ».
Elle ne se trouve pas « courageuse », ne fait qu'« assumer » (...)
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