Les jeunes diplômés sont les premiers à faire le grand saut. Plus que leurs aînés, ils osent changer de poste, d'entreprise ou même de secteur.
Une semaine après son mariage, en juin 2007, Frédéric Guyard était déjà dans l'avion qui le transportait vers la Chine. Pas pour un voyage de noces. Mais pour rejoindre son nouveau poste chez Air Liquide à Hangzhou, au sud de Shanghaï. Aujourd'hui, il y encadre une demi-douzaine d'ingénieurs locaux. « Le savoir-faire que j'ai acquis en France au département ingénierie de l'entreprise, je le délivre maintenant auprès de mes collaborateurs chinois », résume ce manager de 26 ans, diplômé de l'École des mines.
C'est un exemple emblématique de ces cadres qui ont soif de nouvelles expériences, de nouveaux horizons professionnels ou géographiques. Au bout de deux ou trois ans, leur besoin de changer d'air est puissant. Selon le dernier Baromètre mensuel de la mobilité LH2-Cadremploi.fr, 40 % des cadres « ont envie de changer de poste dans les mois qui viennent », 29 % d'entreprise et 19 % de secteur d'activité. « On sait que la mobilité est en croissance au sein de cette population, assure Sophie Ak, responsable marketing de Cadremploi.fr. Par ailleurs, l'ancienneté moyenne dans le poste, six ans actuellement, diminue, lentement mais sûrement. »
Peu à peu, les mentalités évoluent. « En France, pendant longtemps, on pensait qu'une fois sorti d'une grande école, on avait tout appris. Dans ces conditions, la mobilité était secondaire, rappelle Laurent Buratti, président du cabinet de conseil en management Transformance. C'est moins vrai aujourd'hui. »
L'expatriation, voie de garage ?
La mobilité semble donc rentrer dans les mœurs. Selon une récente enquête de l'Afpa (Association nationale pour la formation professionnelle des adultes), 46 % des Français actifs sont prêts à déménager dans une autre région pour changer d'emploi. Mais ils ne sont plus que 29 % à être ouverts à un poste à l'étranger… Principal frein à l'expatriation, l'éloignement des proches. « Beaucoup de cadres expérimentés associent cette expérience à une voie de garage, explique Richard Delaye, directeur du réseau d'écoles de commerce et de management DGC. Il est vrai que l'on prend le risque de s'éloigner des centres de décision avec un retour au siège qui peut être douloureux. »
Logiquement, plus on est jeune et plus on a la bougeotte : 42 % des moins de 40 ans sont prêts à changer d'entreprise, selon LH2-Cadremploi.fr. C'est 13 points de plus que la moyenne. Pour Laurent Buratti (Transformance), « jusqu'à 30 à 35 ans, il est souhaitable de bouger souvent pour trouver sa voie et s'enrichir d'expériences différentes. Au-delà, il est préférable de connaître des expériences plus longues pour se déployer durablement dans une voie ». Il faut dire aussi que plus on avance en âge, plus on accède à des postes à responsabilité, plus le marché devient étroit et moins la mobilité est forte.
Vital, le « savoir-devenir »
Quelles sont les motivations des candidats au départ ? Gagner plus est souvent le premier objectif. « Si les jeunes diplômés sont aujourd'hui aussi mobiles, c'est qu'ils sont avant tout préoccupés par leur rémunération. Pas par la perte de leur emploi sur un marché qui leur est très favorable, affirme Olivier Bas, Partner d'Euro RSCG & CO, responsable du pôle Talents. Changer d'entreprise, c'est augmenter sa rémunération à coup sûr. » Pour les cadres expérimentés, les occasions de promotion interne sont réduites. Bouger permet alors de donner un coup de fouet à leur salaire.
Mais la dimension financière est loin de dominer les autres raisons. Souvent, la qualité de vie et la proximité avec la famille ou les amis font partie des motivations des cadres qui déménagent en province. Surtout, de plus en plus cherchent à compléter leurs compétences en changeant de service ou de fonction. Apprendre tout au long de la vie professionnelle est leur mot d'ordre. « Ce qui prend une importance croissante, c'est le savoir-devenir. C'est-à-dire la capacité à se développer à travers un parcours où l'on acquiert des compétences qui serviront dans le monde de demain, avance Laurent Buratti (Transformance). Par exemple, les DRH ont beaucoup valorisé ceux qui ont lâché leur place de manager pour monter des start-up, même s'ils ont échoué. Ils y ont vu l'apprentissage de compétences et l'audace de l'entrepreneur. »
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