Les utilisateurs de téléphone portable peuvent être suivis grâce aux signaux émis par les appareils vers les antennes-relais.
Des chercheurs américains ont eu accès aux données fournies par les portables de 100 000 individus pour retracer leurs déplacements. Une première aux retombées encore insoupçonnées.
Les hommes sont routiniers dans leurs déplacements. Ils suivent régulièrement presque tous les jours le même trajet, dans le temps et dans l'espace. Beaucoup plus étonnant, un grand nombre d'individus se déplacent de façon identique, prenant à peu près le même temps pour se rendre à leur travail. Tout se passe comme s'ils obéissaient à une loi commune sous-jacente dont on n'aurait pas encore percé l'existence. Ce sont les deux conclusions d'une étude publiée jeudi dans la revue Nature par une équipe dirigée par Albert Laszlo Barabasi, de la Northern University de Boston (États-Unis).
De l'avis des experts qui en ont déjà pris connaissance, ce travail marque un tournant. Non pas en raison de ses résultats, encore sommaires, avertit Marc Barthélemy, spécialiste de physique statistique et des systèmes complexes au CEA (Commissariat à l'énergie atomique). Mais parce que, pour la première fois, des chercheurs travaillant sur la mobilité ont eu accès à des données enfermées à l'intérieur des téléphones portables. Les précédents modèles concernant les déplacements humains, peu précis, avaient été réalisés en suivant des billets de banque.
Albert Laszlo Barabasi et son équipe ont été les plus malins. Ils ont été les premiers à obtenir qu'un opérateur téléphonique accepte de leur livrer ses trésors. Sous certaines conditions, bien entendu, la première et la principale étant l'anonymat.
Grâce aux données précises stockées dans les téléphones portables (date du déplacement connue à la minute près, géolocalisation grâce au GPS), la recherche sur la mobilité humaine bascule dans une autre dimension. Utilisés aujourd'hui massivement presque partout dans le monde, ces petits appareils ne sont pas seulement utiles aux policiers pour localiser avec précision où se cache un criminel ou un malfaiteur. Ils constituent «le meilleur moyen pour suivre les trajets d'un individu», notent les auteurs.
Indications précieuses
L'étude de Barabasi et son équipe a porté sur 100 000 personnes choisies au hasard sur un échantillon de 6 millions d'utilisateurs de téléphones portables. Ils ont pu ainsi suivre tous leurs déplacements pendant six mois grâce aux signaux émis par les appareils vers les antennes-relais. Le territoire de circulation des utilisateurs avait été quadrillé en fonction de la distribution de ces dernières.
D'une telle masse de données sur la mobilité humaine, on peut évidemment essayer de tirer des lois générales. Connaître les déplacements des habitants à l'intérieur d'une ville ou d'une ville à l'autre voire d'un pays ou d'un continent à l'autre, peut permettre de modéliser le mode de diffusion des épidémies humaines et la circulation des virus. Cela peut aussi donner des indications précieuses pour les politiques d'urbanisme, d'aménagement du territoire, pour les transports publics ou les réseaux routiers.
Les perspectives sont prometteuses, reconnaît Marc Barthélemy. À condition, toutefois, que l'accès aux données ne soit pas systématiquement entravé comme c'est souvent le cas et tout spécialement en France où la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) et les opérateurs se montrent réticents.
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