Une carte de fidélité multi-enseignes pourrait fédérer l’ensemble des offres de produits responsables. Le Mouvement Vraiment Durable entend l’expérimenter à la fin de l’année.
La consommation durable peut-elle devenir une consommation de masse ? L’association Vraiment Durable, fondée et présidée par Bettina Laville, souhaite en tous cas élargir cette nouvelle façon de consommer grâce à un outil marketing qui a fait ses preuves dans l’économie traditionnelle : la carte de fidélité. Celle-ci serait multi-enseignes et permettrait au consommateur, qui cherche à consommer de façon plus responsable, de cumuler des points à travers l’achat de produits et services, dans des secteurs aussi variés que des produits de consommation courante, l’énergie, l’eau ou les transports.« L’idée est de favoriser la contagion entre les secteurs partenaires » explique Alexis Botaya, directeur de Vraiment Durable. Reposant sur ce principe de transversalité, « la carte NU, à Rotterdam, a connu un certain succès » rapporte-t-il. En France, la carte SOL à Lille et dans d’autres municipalités a éprouvé un concept approchant, au sein de l’économie sociale et solidaire.
Récompenser le consommateur citoyen
Ce projet, qui serait déployé sur la région Ile-de-France, en est pour l’instant au stade de l’étude de faisabilité. La phase pilote, devrait cependant être lancée dès la fin 2008. Elle impliquera dans un premier temps deux grandes enseignes de distribution, la Lyonnaise des Eaux, un acteur de l’énergie et un (ou plusieurs) dans les transports. « La philosophie de la carte est de valoriser les produits ayant la meilleure performance environnementale et sociale. Nous entendons faciliter leur accès en rétribuant le consommateur citoyen par un bénéfice immédiat : des points donnant lieu à des réductions », décrit Alexis Botaya. A l’image de la carte multi-enseignes SMile’s, qui a prouvé son succès, la carte du « consom’acteur » lui permettrait de bénéficier de réductions sur le Vélib’ ou les tickets de métro, grâce aux points cumulés en achetant du café équitable, des vêtements en coton biologique ou encore en ayant diminué sa facture d’eau ou d’électricité. Ainsi un cercle vertueux pourrait s’opérer chez ce type de consommateur, qui serait justement en demande d’une offre élargie. « Les « engagés » sont en recherche de cohérence dans leur comportement. Vacances, lectures, medias, alimentation, magasins, ils aimeraient que tout soit en ligne avec leur désir de juste consommation » écrit Elizabeth Pastore-Reiss, dans son livre Le Marketing Durable*.
Lever les barrières
L’objectif de ce dispositif de fidélisation est aussi d’élargir la communauté des consommateurs citoyens en levant au moins deux barrières : le coût plus élevé des produits serait ainsi en partie compensé par les points de réduction et certains acteurs modestes pourrait sortir de la confidentialité grâce à la promotion sur l’ensemble du réseau de partenaires. Un site Internet, rassemblera les initiatives via un méta-portail et une campagne de communication lancera le concept. Important : les produits et non les marques seront mis en avant. Le Mouvement Vraiment Durable évite ainsi de trancher sur la responsabilité sociale des entreprises. Les labels existants et reconnus seront le critère de choix des produits qui rentreront dans le dispositif.
Beaucoup d’aspects techniques restent cependant à déterminer, notamment son modèle économique exact. De même, la question de savoir si la carte sera matérialisée ou non n’est pas tranchée. Elle fonctionnerait alors sous la forme de codes au dos des tickets de caisse. Des acteurs clés restent à mobiliser, comme la RATP et le STIF (Syndicat des transports d’Ile-de-France). La région semble en effet l’échelle la plus cohérente selon le Mouvement Vraiment Durable, « pour sa bonne complémentarité au niveau transport en commun et sa volonté politique de devenir une éco-région », argumente Alexis Botaya, qui imagine déjà dupliquer l’initiative partout ailleurs si celle-ci fonctionne en Ile-de-France.
L’initiative est d’ores et déjà soutenue par l’Ademe. Elle tombe à point nommé alors que la Fédération du Commerce et de l’Industrie a signé une convention pour un commerce responsable avec le Medad, en janvier. La distribution s’y engage notamment à doubler d’ici trois ans le nombre de produits bénéficiant d’un éco-label et se propose d’informer les consommateurs sur les principaux impacts environnementaux des produits de consommation courante. Casino le premier lancera cette année une expérimentation sur le contenu en carbone de 300 produits de sa marque. Par ailleurs, le comité opérationnel du Grenelle sur la consommation durable réfléchit à étendre le principe du bonus/malus automobile à une vingtaine d’autres produits.
La multiplication de l’offre devrait ainsi mécaniquement sortir la consommation responsable de sa niche. Pour l’instant, s’ils tirent la tendance, les consommateurs responsables ne sont qu’une minorité. Ainsi, si 80% des sondés se disent prêts à acheter des produits respectueux de l’environnement, seuls entre 10 et 15 % le faisaient réellement fin 2006.
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